Lorsque j’étais étudiante en école de commerce, chaque promo comptait une dizaine de Libanais. J’adorais être avec eux parce qu’ils ne snobaient jamais les soirées du BDE, et parce qu’ils s’entraidaient toujours pour réviser les exams. Ils s’appelaient entre eux affectueusement la ‘lebanese connection’.
J’étais particulièrement amie avec l’un d’eux, R., et je le suis toujours, d’ailleurs. Bien sûr, au fil des années, on se perd un peu de vue, mais on garde l’affection et les bons souvenirs.
Aujourd’hui, R., un jeune homme à la réussite professionnelle fulgurante, qui partage son temps entre Paris et New York, est coincé à Beyrouth. Il était rentré au Liban pour les vacances et rendre visite à sa famille. Il n’a pas pu repartir ; et d’ailleurs s’il le pouvait, je ne suis pas sûre qu’il laisserait ses proches. Je lui ai envoyé un e-mail lundi et il m’a répondu : il est vivant, c’est le plus important, et il a accès à internet, c’est déjà ça.
Je me souviens des soirées passées dans la cuisine de son appartement, dans notre foyer universitaire, où il me racontait son enfance et son adolescence. Les alertes aériennes, tout le monde descend à la cave, les bombes qui explosent, l’école fermée. Et à la fin, il en avait tellement marre de descendre à la cave 10 fois par jour qu’il ne descendait plus. Une enfance volée.
R. me montrait les photos récentes de sa famille : elles étaient la personnification du Liban reconstruit, un bel appartement, des parents heureux, un grand frère diplômé d’une grande université, une sœur magnifique.
Aujourd’hui, retour à la case départ. R. revit comme dans un cauchemar toutes ces années dérobées. Il a du mal à croire que tous ces accords avec l’ONU, cessez-le-feu, élections et compagnie n’aient servi à rien. Et pourtant…
Ce n’est pas à moi de juger les tenants et les aboutissants de ce conflit. Tout ce que je peux faire, c’est penser à R., à sa famille, et à tous les autres Libanais avec qui j’ai fait la fête un jour.
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