lundi, octobre 30, 2006

Roman, épisode 1. La rencontre

‘Te souviens-tu de notre rencontre ?

Je descendais les escaliers du foyer en chantonnant. J’étais à l’heure pour mon premier cours, et de fort bonne humeur. Arrivée en bas, j’ai tiré la lourde porte en acier, puis poussé la seconde en bois. Ce sas devait nous protéger des tornades de vent sibérien qui ne manqueraient pas d’arriver.
Mais ce jour-là, il neigeait pour la première fois. Des flocons de neige tombaient pour s’évanouir sur le bitume noir du trottoir. Ces flocons étaient encore petits, éparses, et la terre encore trop chaude pour accueillir l’hiver.
Je me suis arrêtée sur le pas de la porte pour regarder ce spectacle tant attendu. Que n’avais-je entendu sur les hivers moscovites, et j’allais en vivre un pour de vrai !

Je suis restée immobile quelques instants, à regarder le ciel prometteur. J’ai entendu derrière moi le bruit des deux portes. La première, lourde, un pas en avant, puis la seconde, plus légère. Je ne me suis pas retournée. J’ai dit tout haut ‘ça y est, il neige’.
Quelqu’un a répondu ‘eh oui, ça y est’. Cette personne derrière moi parlait français.
J’ai tourné la tête ; tu portais un blouson matelassé bleu marine, et tu ajustais tes gants en daim marron. Tu étais grand, très mince.
« - Es-tu français ?, t’ai-je demandé.
- Non, je suis marocain. Et vous ?
- Française. Je suppose que tu vas ce matin à l’université ?
- Oui.
- Eh bien, allons-y ensemble ! »

Nous avons parcouru ensemble les cinquante mètres qui nous séparaient de la station de métro, et sommes descendus dans l’antre. J’adorais ce léger vertige que l’on ressent quand on pose un pied sur l’escalator : tout en bas, le quai était creusé si profond dans la terre que l’on ne voyait pas le bout du tunnel.
Je suis passée devant toi et me suis retournée pour te parler.
Tu venais d’arriver à Moscou, tout comme moi, et tu parlais d’une voix aussi posée que la mienne était enjouée. Tu me vouvoyais, et je ne savais comment te dire que c’était à la fois inutile et charmant.
Tu m’as vouvoyée pendant tout le trajet en métro, puis à pieds. Tu avais les yeux noirs, si noirs que l’on ne voyait pas la pupille, et de longs cils recourbés, noirs eux aussi. Etrange, dans cet océan russe d’yeux bleus et de chevelures blondes.
Je t’ai laissé devant ton bâtiment, en te promettant de te rendre visite un soir au foyer, et ai poursuivi mon chemin jusqu’à ma salle de cours, un peu plus loin sur le campus.’

Commentaires et critiques constructives seront les bienvenus !!

dimanche, octobre 29, 2006

Dimanche

A la gym ce matin, pendant que je transpirais sur le vélo, un homme devant moi marchait tranquillement sur son tapis de course. Il portait un T-shirt sur lequel était écrit ‘SLOW DOWN’. Ca ne s’invente pas.

Plus tard, chez Picard, pendant que je faisais le plein de mon congélateur, un petit vieux se déplaçait sans hâte dans les rayons. Il était voûté, marchait avec hésitation, et, le temps d’une seconde, j’ai eu de la peine pour lui. Quand je suis allée vers les caisses, il faisait déjà la queue.
Et là, le vieillard se transforma en jeune homme : son œil de lynx repéra de loin une nouvelle caisse qui ouvrait, l’homme saisit son panier d’une main et se précipita vers la caisse. Un vrai sprint ! Il doubla la dame à la mise en pli mauve et le père de famille endormi !! Quel score ! Et quelle leçon sur les apparences !

Maintenant, il pleut dehors, je suis à l’ordinateur, et je sèche depuis une demi-heure sur une histoire de téléphone soviétique à cadran…
Moi qui ai refusé 3 invitations pour cet après-midi et qui me suis programmé une journée studieuse d’écriture, voilà qui est raté !
Comment vous dire… Il s’agit d’un téléphone à cadran dans lequel il faut enfoncer ses doigts pour faire tourner le cadran, et composer le numéro chiffre après chiffre. Vous voyez ce que je veux dire ? Comment décrire ce téléphone de façon élégante… C’est bien tout le problème. Help !!

vendredi, octobre 20, 2006

Moustache!


Je dînais hier soir avec une amie, dans un bar à sushi branché de la capitale.
Les clients étaient jeunes et résolument fashion.
Le spectacle était intéressant, et les nouilles sautées succulentes.

Soudain, j'ai vu passer dans notre allée un jeune homme bien de sa personne, plutôt bien fringué, mignon, et dont la lèvre supérieure arborait une bonne vieille moustache des siècles derniers.
Je n'en croyais pas mes yeux: j'ai vu ces dernières années pas mal de boucs, des barbichettes, mais des moustaches, très très rarement!
J'ai dévisagé le jeune homme un peu trop longtemps, qui a croisé mon regard, se demandant pourquoi je le matais...

La honte...
Après tout, personne n'est obligé de n'arborer que les attributs fashion du moment! Mais on est tellement conditionné par les images uniformes dans les magazines qu'on ne comprend plus l'originalité... Et c'est bien dommage!

mardi, octobre 17, 2006

C’est beau, l’amour tout neuf

Le regard attendri de l’homme ; encore tout étonné par ce qui lui arrive.

Sa façon à elle de se tenir, plus sûre d’elle, plus grande.

Ils sont dans leur bulle.

Ils s’assoient l’un à côté de l’autre sur la banquette et se serrent, amusés et confus devant leurs amis réjouis ; oseront-ils s’embrasser devant eux ?
Leurs lèvres sont encore maladroites, elles se cherchent.
Leurs mains, l’une dans l’autre, forment un nouveau dessin.

Et ils sont heureux, heureux, ils n’en peuvent plus de respirer.

dimanche, octobre 15, 2006

Annie est revenue!

Si la rumeur ne s'est pas encore répandue sur le net, voici LA bonne nouvelle (que Christophe et Geneviève attendaient):

Annie a de nouveau un blog!

jeudi, octobre 12, 2006

Swinging London !

Je viens de passer quelques jours à Londres, et, comme on dit là-bas, 'here are a few facts’ :

• J’ai payé 3£ un ticket de métro zone 1, pour deux stations : j’avais initialement prévu de marcher, mais je me suis perdue dans la nuit londonienne de Saint James’ Park…
• J’ai beaucoup aimé Ebury Street, près de Victoria, où se trouvait mon hôtel ; une rue ‘typiquement londonienne’, comme dans le film Les Poupées Russes.
• J’ai voulu suivre les conseils de Caroline sur les quotidiens anglais et ai cherché le Guardian chez WHSmith, mais vu son poids et sa taille déplié (un mètre cinquante sur un mètre ?), je me suis dit qu’il serait plus pratique de lire le Times dans le métro… et maintenant je sais tout sur la consommation de cocaïne des députés italiens.
• Je suis sortie mardi soir avec une amie, non loin de Covent Garden. Quelle joie de voir autant de monde dans la rue, même un mardi soir ! Londres est décidément une ville bien vivante !
• Le serveur au resto était philippin, son collègue, grec, et leur boss, français. Qui a dit que le melting pot était un concept américain ?
• La télé diffusait un programme de télé-réalité intitulé ‘Teenage Mum’. La Grande Bretagne a le taux le plus élevé d’Europe de ‘filles-mères’. Quatre jeunes filles faisaient un stage d’une semaine chez une femme pour apprendre à s’occuper de leur bébé et, surtout, créer un lien avec eux. L’une des ados, 14 ans, ne portait aucun intérêt à sa fille de deux mois, et c’était triste à voir. J’ai pensé à tous ces couples stériles qui essaient désespérément d’avoir un enfant.
• J’ai observé la foule de l’heure de pointe, pour voir ce qui était à la mode cet automne, à Londres. J’ai apprécié le fait que les femmes n’ont pas peur de se mettre en mini-jupe, ni de porter des chaussures mauves. Pas de prise de tête, pas de peur de se faire traiter de s…
• Enfin, l’employé de la poste, derrière son guichet, mangeait des chips ‘salt & vinegar’ à 10 heures du matin.:))

dimanche, octobre 08, 2006

Pourquoi tenez-vous un blog ?

Parce que vous aimez écrire ?
Pour rencontrer des gens sur la blogosphère ?
Pour garder une trace de votre vie, comme un journal intime des temps modernes ?
Parce que vous avez besoin d’une audience ?

Un peu de tout cela à la fois ?

Je vais vous faire une confession : je tiens un blog parce que, avant tout, j’aime écrire.
Ecrire est un besoin, une torture dont on aimerait se passer et sans laquelle on ne se sent pas vivre. Beau dilemme.
Mais c’est ainsi. Ne pas l’accepter est encore pire : les phases de déni vous coûtent encore plus que celles d’absence d’inspiration.

J’écris depuis toujours, en secret. Seule dans la nuit des hôtels, dans l’avion, dans les salles d’attente.
En juin dernier, j’ai décidé de faire mon coming-out ; serais-je capable d’écrire pour quelqu’un d’autre que moi-même ? Comment pourrais-je le savoir ?
Grâce à un blog.

Ce que je ne savais pas, c’est que je gagnerais bien plus qu’un simple coming-out.
Tout d’abord, j’ai découvert, pour mon plus grand bonheur, que, grâce à ce blog, j’avais sans cesse envie d’écrire. Je suis chaque jour inspirée, par de petites choses de la vie, par des réflexions plus profondes, et j’ai toujours envie d’écrire ces impressions.
Pour quelqu’un qui souffrait souvent de paresse du stylo, quel bonheur ! L’envie d’écrire, tous les jours, est une vraie bénédiction.
Jamais je ne me serais doutée de cela ; au début, j’avais même peur de ne plus savoir quoi écrire au bout de quelques semaines ; (on reparle de cette raison dans quelques années ?:))

De plus, j’ai découvert le plaisir d’avoir des lecteurs, des personnes comme moi, qui se cherchent mais qui sont ouvertes sur le monde et qui aiment communiquer.
J’ai ’rencontré’ des gens qui m’ont aidée à me rendre compte que je n’étais pas la seule à me prendre la tête, et que nous étions beaucoup dans ce cas.
Nous ne sommes pas dingues, ni mégalos (enfin, je ne cite personne !:)), et peut-être pas complètement perdus non plus !

Enfin, j’ai un nouveau rituel quasi-quotidien, le soir en rentrant du bureau : j’allume mon ordinateur perso, et je lis Annie, Caroline, Christophe, Blue, Chroniques Blondes, Sixtine
Et je suis contente, parce qu’eux aussi ont toujours des choses à écrire !

jeudi, octobre 05, 2006

Pourquoi la Russie ?

Vous l’aurez remarqué (et me l’avez demandé :) ), je parle beaucoup de la Russie. A tel point que parfois je me demande si ce blog ne devrait pas s’appeler ‘Blanche à Moscou’.
Alors, pourquoi la Russie ? Paris ne se suffit-il pas à lui-même ? Si, bien sûr que si ! Paris est la plus belle ville du monde, etc etc…

Mais la Russie, c’est autre chose. Une attirance pour ce pays immense et obscur, qui a commencé vers la chute de l’Empire Soviétique ; vers treize-quatorze ans, quand on s’ouvre au monde.
Une attirance pour ce peuple rude, ces ours à l’histoire extrême et tragique.

J’ai commencé par les grands classiques, Tolstoï le misogyne et Dostoïevski le fou, puis un premier voyage, initiatique et merveilleux. En 1994, Moscou était encore grise, les voitures, des Lada, et le Mc Do, exceptionnel.
Une promesse que je me suis faite de venir et revenir encore.
Depuis, la ville a tellement changé que parfois je ne la reconnais pas ; ce bruit, ces couleurs, ces restos pointus, meilleurs qu’à Paris ou Londres. Mais il suffit d’une vieille babouchka au détour d’une rue, ou d’un immeuble soviétique, pour retrouver ‘le vrai Moscou’.

Et puis au fond, ce n’est pas cela qui importe ; Moscou, la vraie ville russe, et Saint-Pétersbourg, l’européenne factice ; peu importe. L’âme russe est ailleurs. Je ne sais pas encore exactement où.

Chez des ancêtres russes ? Non.
Des parents communistes ? Même pas.
Dans une vie précédente, peut-être. J’étais au vingtième siècle un jeune soldat de l’Armée Rouge.

mercredi, octobre 04, 2006

Sheremetyevo, toujours et encore…

Léger haut-le-cœur comme dans un ascenseur qui démarre, l’avion amorce sa descente. Dans une demi-heure, nous serons à Moscou.
Combien-tième atterrissage à l’aéroport de Sheremetyevo ? Je ne compte plus. Vingt, trente fois déjà ? Peu importe. C’est à chaque fois la première fois.

D’abord, il faut passer l’épaisse couche de nuage ; on ne voit rien pour l’instant. Je regarde attentivement par le hublot. Si j’ai un siège ‘couloir’, je me penche en avant ou en arrière, sans craindre de me contorsionner, ni d’avoir l’air ridicule. Mes voisins de rang me regardent étonnés quelques secondes, puis voient qu’ils ont affaire à une mordue du paysage et se replongent dans leur magazine ; ceux qui ont peur à l’atterrissage se cramponnent à leurs accoudoirs et ne remarquent pas mes gesticulations. Tout va bien, donc.
De très haut, la terre paraît toute grise. Puis, on remarque les grandes tâches noires des forêts de sapins, les étendues blanches de neige quand c’est l’hiver, et les petites routes étroites.
L’avion continue à descendre. Des hameaux d’isbas apparaissent. Ce sont les premières couleurs que l’on voit à nos pieds. Les toits sont noirs, mais les corps de ces petites maisons en bois sont verts, rouges ou même bleus.
Autour de chaque isba, un lopin de terre et une clôture carrée. D’éparses au début, les isbas se rapprochent au fur et à mesure que nous approchons de la mégalopole. Puis, les premiers immeubles apparaissent. Nous allons très bientôt atterrir.
A l’horizon, dans un immense flou gris, on devine Moscou, mais on ne la voit jamais. Les immeubles en dessous de nous, de facture soviétique, et identiques les uns aux autres, ne sont pas encore des gratte-ciels. La ville tentaculaire n’a pas encore tout à fait atteint Sheremetyevo. Mais cela ne saurait tarder… Peut-être au prochain atterrissage ?

Les pistes de l’aéroport apparaissent à toute allure, et le pilote sort les trains d’atterrissage. Dans une minute, je serai en Russie. Nous descendons à toute vitesse. Une secousse, puis un freinage serré.
Des sacs tombent des sièges et roulent sur le sol. Nous sommes arrivés ! L’avion se calme, puis entame sa valse de virages. Je suis scotchée au hublot, je ne perds rien de ce spectacle que je connais par cœur. Au détour d’un virage, j’aperçois le repère qui me confirme que je ne me suis pas trompée de vol : le bâtiment en verre fumé du terminal. Les lettres rouges ‘Sheremetyevo 2’ le surmontent. Des avions blancs au flanc marqué ‘Aéroflot’ y sont amarrés. La première fois que je suis venue, je n’arrivais pas à déchiffrer ce mot. Quelle frustration, mon premier mot en russe ! Dès la fois suivante, je me suis assuré que je maîtrisais l’alphabet cyrillique.

Ce morne paysage d’aéroport me rend euphorique ; bulle de bonheur avant de sortir de l’avion et affronter les files d’attente à la douane. Je suis tout excitée, je n’ai qu’une idée, courir hors de l’avion et fouler le sol russe. Je me vois déjà sur l’autoroute qui mène vers le centre de Moscou, avec sa bonne odeur flottante de pot d’échappement. Cette odeur de gasoil pollué, ma madeleine à moi… C’est lorsque j’en remplis mes narines que je me sens vraiment à Moscou.