Une ancienne collègue me disait un jour :
« - méfie-toi de ce gars-là, il est hargneux ; je pense qu’il n’a pas réglé toutes ses ‘personal issues’. »
Ma collègue aimait le franglais ; en l’occurrence, je n’ai jamais trouvé de traduction fidèle du mot ‘issue’ en français ; si vous en connaissez une, je suis preneuse !
« - Que veux-tu dire ?...
- Un Français installé à l’étranger me paraît toujours suspect : s’il est parti, c’est qu’il n’était pas en paix avec sa situation en France : professionnelle, familiale, amoureuse, peu importe… Mais c’est louche. »
Depuis, cette collègue, qui revenait de 3 ans d’expatriation en Inde, a suivi son mari à Los Angeles et s’y est installée avec ses 3 enfants.
Son analyse semble donc, à la lumière de sa propre expérience, adressée à elle-même. Cependant, y avait-il du vrai dans ce qu’elle disait ?
J’ai quitté mes parents à 17 ans, pour Moscou, puis Londres. Je suis rentrée en France 4 ans plus tard. Aujourd’hui, de l’eau ayant coulé sous les ponts, je sais que je ne serais sans doute pas partie si vite, si tôt, si loin, si la situation familiale n’avait pas été, à ce moment-là, inextricable. Le seul moyen de s’en sortir était la distance. La fuite ? Peut-être.
Mais j’aime à croire que cette expérience, catalysée par un besoin de fuite, représente aujourd’hui tellement, tellement plus qu’une impossibilité de faire face à une crise chez soi.
A Moscou, j’ai partagé ma chambre avec une Marocaine ; à Londres, avec une Japonaise. A Moscou, j’ai rencontré un Italien qui m’a conseillé de faire mes études à Londres ; je ne connaissais rien au système d’éducation anglais, mais je savais qu’en rentrant en France, toutes les portes me seraient fermées : l’année sabbatique après le bac n’est pas encore entrée dans les mœurs… J’ai suivi ses conseils. Je ne l’ai jamais regretté.
A Moscou, mes parents ont dû faxer au consulat français leur autorisation pour que je puisse y travailler 2 jours par semaine et payer ainsi mes cours de russe. A Londres, je gardais ouvert le soir le laboratoire de langues, au dernier étage d’une tour du campus.
On peut dire que j’ai appris la valeur de l’argent, et surtout, le bonheur de discussions enflammées entre des gens venus de tous les horizons.
Cette expérience, une fuite ? Rien n’est plus sûr…
La vie est faite de décisions et de rencontres, en apparence fortuites, mais qui en changent le cours, et c’est cela qui est important. A l’intérieur de Paris, d’un continent à l’autre, peu importe l’échelle.
Finalement, pourrait-on partir avec l’esprit fermé, indisponible aux autres?
Jusqu’à peu, j’aurais répondu non, sans hésiter. Mais j’ai lu cette semaine sur le blog de Blue un long échange de points de vue avec un Français qui a émigré au Canada et qui, visiblement, s’y sent très mal. Il blâme le Québec, les Québécois, pour son mal-être. Je me demande : n’aurait-il pas mieux fait de rester en France ? Cette immigration, où qu’elle soit, au Québec ou ailleurs, n’était-elle pas intrinsèquement vouée à l’échec, si elle n’était que fuite ?
Ce qui prouve que ma collègue avait tort : on ne peut construire sa vie à l’étranger, y réussir –professionnellement ou dans sa vie privée-, si on n’est parti que pour fuir.
Partir, si on ne se sent pas bien chez soi, peut aussi signifier vouloir s’en sortir. Pour mieux revenir ?
samedi, novembre 25, 2006
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17 commentaires:
Je suis bien d'accord avec toi, Blanche. On ne peut pas fuir ses problèmes, car ils nous rattrappent toujours, même à l'étranger.
Blanche : Je te propose une traduction de "issue" : Problème :) ?
Ce que tu soulèves est intéressant. Je pense que fuir ailleurs ou "en soi" n'est jamais une solution. La fuite est vouée à l'échec, car même si nous fuissons une situation, on la transporte avec nous, et donc elle nous suit...
Ton parcours ressemble un peu au mien. La France, l'Espagne, le Québec. Vais-je rester ici ? je ne le sais guère. Pour l'instant, c'es t le pays qui m'a gardé le plus longtemps : 8 ans...vais-je revenir un jour à "mes racines" ? Never say never. Mais ça m'étonnerait. Quand je vais au Maroc, je me sens étranger. Étranger aux idées, étranger au langage (ça change, ça change..), étranger aux moeurs. Je ne suis pas si autonome que ça, au Maroc. Mais, oui, je pourrais le (re)devenir. Après une "immersion"...:)
Blanche, pour ce qui est de la traduction, dans les sites de rencontre québécois, on dit "passé" pour traduire "personal issues", comme dans "passé réglé". :)
Merci, Onassis et Blue, pour vos propositions de traduction!
Onassis, 'problème', j'aurais pu trouver toute seule:))) mais merci!
'Passé réglé', j'aime bien! Je l'utiliserai!
Je ne sais pas si c'est parce qu'une expatriation se déroule sous le mode de la fuite qu'elle ne fonctionne pas, mais il est vrai qu'il y a une façon d'arriver ailleurs qui permet d'ouvrir les horizons, de gagner en humanité, et... il y a les autres façons!
Je suis d'accord avec la fin de ton post : partir pour s'en sortir et pour mieux revenir...
Il y a 2 ans et demi maintenant, j'ai quitté Sherbrooke, ma ville, la ville où habitait ma mère aussi, pour aller étudier ailleurs au Québec, à environ 500 km de là, chez mon père...
Au début, cela apparaîssait comme une fuite, autant aux yeux de mon entourage qu'aux miens : je fuyais les différents que j'avais avec ma mère.
Seulement, après 2 ans de recul, j'ai compris que malgré le fait que ce ne sera jamais la joie entre ma mère et moi, je peux quand même faire un effort pour la supporter, et j'ai aussi compris que ma ville n'était en rien impliquée dans ce conflit ! (lol)
Je suis maintenant de retour À Sherbrooke, j'habite en appartement pas trop loin de chez ma mère, je la visite de temps en temps et notre relation n'est pas si male...
Je peux donc dire mission accomplie : j'ai quitté ma ville pour fuir, oui, mais surtout pour réfléchir, pour tenter de voir ce que je pouvais faire pour améliorer la situation... et je suis revenue pour y rester :) (Au moins pour les 4 prochaines années, le temps de finir mes études lol !)
Blanche : Je savais, bien entendu, que tu pouvais trouve seule...it was a joke :)
@Mylène: à 2 endroits différents, ton expérience et la mienne se ressemblent donc beaucoup!:)
Si l'éloignement est ce qui nous aide à régler les conflits familiaux, ce n'est ni une bonne, ni une mauvaise chose; c'est ainsi.
Et c'est bien de s'en rendre compte!
@Onassis: ah bon, ben si c'était une blague, alors...:)
Blanche, en effet, en lisant ton post je trouvais que c'était très semblable à ce que j'ai vécut récemment !! ;)
J'allais ajouter mon grain de sel de ma propre expérience... Et oui j'ai fui au Québec sous le poids d'une famille un peu félée... les problèmes ne se sont pas réglés en 6 ans mais j'ai appris à la affronter et à mieux vivre avec. On a parfois besoin de recul pour voir clair, mais cela ne resoud rien. Mais ce fut une magnifique expérience, très enrichissante et inoubliable. Peut-être juste que je m'etais voilé la face sur les raisons de mon départ. QUand on finit par les découvrir... on prend le chemin du retour. En essayant de ne pas fuir encore. L'Eden n'existe pas. Il suffit juste de trouver un endroit où l'on se sent bien ! ce qui n'est pas toujours aisé.
Ton parcours est, ma foi, très intéresant ! Et varié, surtout !
Je crois qu'il est essentiel de partir, un jour. La durée et la distance de la "fuite" n'a pas tant d'importance ... l'important c'est de faire le voyage à l'intérieur. Réfléchir, remettre en perspective, et bien souvent, se rendre compte que l'herbe n'est pas plus verte chez le voisin. Je me suis exilée 6 mois en tout (pour Londres) et ça a eu un effet sans pareil sur ma vision de la vie. Pour l'ouverture d'esprit et l'appréciation de ce que l'on a, y a rien de mieux. L'exil temporaire devrait être obligatoire par la loi ;) Parce que quand on revient, on ne voit plus la planète de la même façon ...
@Geneviève et Parisian_qc: vos commentaires sont riches de phrases essentielles, merci!!
"Quand on finit par les découvrir.... on prend le chemin du retour" (Parisian)
"L'important, c'est de faire le voyage à l'intérieur" (Geneviève)
hehehe avec ça, j'ai l'air d'en avoir fumé du bon (ou de sortir de psychanalyse) ;)
Bonjour Blanche,
Il ya un général chinois qui un jour à possiblement inspiré l'image à Henri Laboritt et qui vantait l'éloge de la fuite.
C'est une forme d'intelligence, quand le but est de se sauver et non d'éviter de faire face. Si on fuit pour éviter de faire face, alors où qu'on aille ca vient nous ratrapper.
Et comme disait Laboritt, en fuyant on découvre parfois ce qui échappe au voyageur au trajet habituel.
il faut aussi ne pas se dire qu'on va ailleurs parce que c'est mieux que chez nous, toutes les places ont leur qualité et défaut, il faut plutôt vivre l'expérience et apprendre les différences, ça c'est une richesse.
Bonjour Roxana,
Bienvenue sur mon blog, et merci pour ton message!
Blanche
je cherche à comprendre la fuite ou le départ de ma mère française pour l'étranger(maroc)changer de vie? finir sa vie à l'étranger vivre ça vie sans ces enfants alors qui la voudrais prés de eux ,elle nous ment pour ne pas dire quelle par en voyage...que cherche t'elle là ba?
merci de vos avis
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