jeudi, août 16, 2007

God Save America

Ma dernière discussion avec des Américains remontait à quelques mois. Il s’agissait d’un couple de New-Yorkais d’une quarantaine d’années, rencontré dans un hôtel parisien à l’heure du thé : ils cherchaient un resto pour le soir, nous étions à la table d’à côté, la conversation s’est entamée.
Ils vivaient dans Greenwich Village (mon quartier préféré de Manhattan), ils étaient ouverts sur le monde, l’Europe, fiers d’être américains, mais pas pleins de cette fierté baudruchienne que l’on imagine. Et puis, ils n'appréciaient pas Bush ; pour l’invasion de l’Irak et l’enlisement qui s’en est suivi, et pour, selon eux, sa vision archaïque du monde, où un seul pays s’estime capable d’être garant de la paix dans le monde.


En Californie, changement de décor : un couple d’une cinquantaine d’années, pensionnaire du même petit hôtel que nous à San Francisco, rencontré lors de la dégustation quotidienne de vin californien proposée par la direction.
Les deux Américains disent que même s’il n’y avait pas d’armes de destruction massive en Irak, l’invasion américaine était plus que justifiée ; ils ne parlent d’ailleurs pas ‘d’invasion’, mais de ‘libération’.
Ils nous demandent l’air faussement candide si nous trouvons normal que l’Amérique soit le garant de la démocratie dans le monde.

Quand nous commençons à parler d’Europe, leur première remarque est : ‘ah, l’Europe ! Bientôt la Turquie en fera partie !’ Suit une diatribe contre l’Europe, et en particulier la France, qui est aujourd’hui le deuxième terreau de l’islamisme, juste derrière le Moyen-Orient. Ils citent les taux de natalité des femmes musulmanes en Europe par rapport aux ‘Européennes de souche’. Ils disent que bientôt les Musulmans seront majoritaires en Europe, et que ça bardera pour nous.
On sent que le vieux continent leur fait peur, et que c’est une question de temps avant que l’Amérique, garante de la liberté dans le monde, ait à sauver l’Europe des griffes de l’ennemi qu’ils combattent déjà en Irak et en Afghanistan.

Pour résumer, dans le journal californien, on peut lire des phrases comme « quel que soit le candidat républicain investi pour l’élection présidentielle de l’année prochaine, il aura fort à faire à se trouver une mission à la hauteur de celle que Bush s’est donnée sur ses deux mandats, à savoir garantir la liberté et la démocratie dans le monde entier. » (traduction libre)

J’admire sans arrière-pensée la propension des Américains à être fiers de leurs origines (italiennes, chinoises, russes…) mais à se sentir avant tout Américains.
Je suis reconnaissante que les Etats-Unis se soient, à plusieurs reprises au XXème siècle, engagés dans des conflits qui n’étaient pas les leurs pour libérer des pays envahis, notamment la France.
Je suis très friande de littérature, séries télé, films, voire de temps en temps fast-food et tendances de mode américains.
Allé, même, j’adore me la jouer au Starbucks, avec mon gobelet de café et mon ordinateur portable sur la table.

Mais je ne peux adhérer à ce qui me semble être une certaine autosatisfaction de se considérer comme les seuls et uniques sauveurs du monde actuel ; à mon sens, dire que l’ONU ne fonctionne pas a bon dos, car un pays aussi important dans cette organisation que les US (disposant du droit de veto, comme seulement 4 autres pays au monde !), ne cessant de passer outre, l’affaiblissent d’autant.
Je ne comprends pas comment les Américains peuvent vivre avec une telle contradiction entre leur sentiment de mission presque divine auprès du monde entier, et leur protectionnisme -économique et culturel- aigu ; souvenez-vous des importations de vins et fromages français, interdits au moment de l’invasion de l’Irak, car ces petits Français avaient osé s’y opposer. Je peux vous garantir que les Français, eux, ont pendant ce temps continué à aller au Mac Do et à aller voir Spiderman : car si c’est une chose de critiquer une politique extérieure, c’en est une autre de boycotter tout ce qui représente un pays.
Ce sont deux notions tellement antagonistes que je ne peux m’empêcher de penser que nos amis américains ne font pas preuve d’une certaine… mauvaise foi.

Surtout, je ne comprends pas que les Etats-Unis ne signent pas le protocole de Kyoto, point de départ primordial à une régulation de la pollution à l’échelle mondiale. Et quand on sait qu’après la Chine et l’Inde, les Etats-Unis sont parmi les plus grands pollueurs du monde, on tend à se demander si les Américains n’ont pas tout simplement une vue court-termiste : à quoi cela sert-il de sauver des pays des griffes de dictateurs, si nous allons quoi qu’il arrive tous mourir dans 20 ans, quand le climat sera devenu insupportablement chaud dans le monde entier ?

5 commentaires:

Caroline a dit…

Billet super intéressant! Bravo, Blanche!

Je me rappellerai toujours des propos d'un anthropologue culturel français (dont je n'arrive pas à trouver le nom, par contre, zut!), qui avait qualifié la société américaine d'adolescente, dans une entrevue accordée à la radio de Radio-Canada. Depuis ce temps, je fais une lecture de ce qui sort de cette société sous cet angle, et je trouve que c'est sensé. Elle vit dans l'immédiateté, veut tout tout de suite, veut tout tenter mais n'a pas les reins assez solides pour être réellement imputable et responsable comme un adulte mature... Enfin, voila une grille d'analyse qui en vaut une autre!

Christophe Berget a dit…

tout à fait en accord avec toi..... Enfin, j'espère ne pas mourrir dans 20 ans ; je pense que ce sera plus tard que ça... ce siècle va être charnière, les humains s'adapteront sans doute même si cela en coûtera des millions de vies et même si cela détruira encore plus la planète ; je crois en la présence de l'homme sur la Terre au 3ème millénaire.

Anonyme a dit…

Ouf, pas facile de traiter de ce sujet sans tomber dans le cliché et la haine bon marché. Bravo pour l'audace (et le choix des mots ;).
Quant à moi, je trouve bien difficile de donner mon opinion sur le peuple américain quand ce que je vois, ce que j'entends, n'est pas du tout représentatif de ce que pense, probablement, la majorité de la population américaine.
Si je ne veux pas que l'on juge le Québec selon Céline Dion, le sirop d'érable et les cabanes en bois rond ... il est fort probable qu'il y en ait quelques-uns, là-bas, qui pensent la même chose de Bush, Wal-Mart et Hollywood .....

Bob August a dit…

Très bon papier, Blanche. Bravo !

Et d'accord avec Geneviève en ce qui à trait à ton très bons choix de mots, pour avoir évité les clichés, etc. N'en demeure pas moins que les États-Unis c'est LE pays de toutes les contradictions, non ?
Bon, parlant cliché, encore une dernière lampée de "caribou" et je vous laisse car je dois chausser mes bottes de neige et mes raquettes pour me rendre dans la forêt montréalaise afin de couper mon bois de chauffage et chasser l'ours ;-)))

Blanche a dit…

Merci Bob! En effet les Etats Unis sont bien LE pays de toutes les contradictions... et c'est pour ça qu'on les aime, au fond!